Lettre des ONG sur les chambres spécialisées en RDC.

Le 22 décembre 2010
À l’attention de : Son Excellence Luzolo Bambi Lessa
Ministre de la Justice et des Droits humains
Ministère de la Justice et Garde des Sceaux
BP 3137
Kinshasa Gombe
République Démocratique du Congo
Votre Excellence,
Nous vous écrivons pour vous soumettre un certain nombre de recommandations clés
relatives à l’avant-projet de loi sur la création de chambres spécialisées mixtes au sein du
système judiciaire national congolais, qui auraient compétence pour connaitre de crimes
graves commis en violation du droit international. Vous avez présenté cet avant-projet de
loi lors du séminaire qui s’est déroulé récemment à Kinshasa, du 29 au 30 novembre 2010.
De prime abord, nous tenons à souligner que nos organisations ont apprécié l’essentiel de
la réponse officielle du gouvernement congolais au rapport des Nations Unies sur le « Projet
Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit
international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la
République démocratique du Congo » (rapport de Mapping de l’ONU),1 exposée dans votre
communiqué de presse publié le 2 octobre 2010.2 Nous avons noté avec satisfaction
l’accent mis de nouveau par le gouvernement sur sa politique de « tolérance zéro » à l’égard
des crimes graves tels que les meurtres, les actes de torture, les violences sexuelles de
masse et le pillage. Nous avons aussi été encouragés par l’engagement exprimé par le
gouvernement d’adopter des mesures concrètes, avec l’aide et le soutien financier de la
communauté internationale, pour lutter contre l’impunité pour ces crimes. Concrètement, le
gouvernement congolais a proposé de créer et de mettre en place des chambres
spécialisées mixtes au sein du système judiciaire national, ainsi que des mécanismes non
judiciaires de lutte contre l’impunité, comme par exemple une Commission Vérité et
Réconciliation et un système de réparations pour les victimes.
La préparation rapide d’un avant-projet de loi sur les chambres spécialisées mixtes est une
démonstration positive de votre détermination à agir au plus vite pour renforcer les
poursuites judiciaires au niveau national des crimes internationaux les plus graves.
1 Nations Unies, Haut Commissariat aux Droits de l’homme, « Rapport du projet Mapping concernant les
violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en République
Démocratique du Congo entre 1993 et 2003, »
http://www.ohchr.org/Documents/Countries/ZR/DRC_MAPPING_REPORT_FINAL_FR.pdf (consulté le 20 décembre
2010).
2 « Communication de presse de Son Excellence Monsieur le ministre de la Justice et des Droits humains »,
2 octobre 2010, http://www.justice.gov.cd/ (consulté le 16 décembre 2010.)
2
Nous pensons que ces chambres spécialisées mixtes satisferont les conditions en droit
international pour la création de juridictions spéciales. En effet, les chambres spécialisées
mixtes proposées sont nécessaires pour des raisons sérieuses et objectives et les individus
et crimes visés par leur création ne peuvent actuellement pas être poursuivis de façon
efficace par le système judiciaire national.3 Les procès devant les chambres spécialisées
mixtes devraient donc satisfaire les critères de procès équitables, en conformité avec le
Protocole International sur les Droits Civils et Politiques.4
L’avant-projet de loi devant instituer des chambres spécialisées mixtes est manifestement
le produit d’une réflexion approfondie. Nos organisations tiennent à souligner plusieurs
éléments positifs dans cet avant-projet de loi. Il s’agit entre autres du fait que la
compétence ratione temporis des chambres spécialisées mixtes proposées n’est pas
limitée à la période couverte par le rapport Mapping de l’ONU mais s’étend aux crimes
actuels et futurs ; du fait que les chambres spécialisées mixtes proposées seront créées au
sein du système de justice pénale civile ; de la mise en place d’équipes d’enquête
spécialisées qui se consacreront aux crimes internationaux graves et de l’introduction de
la compétence universelle permettant aux chambres spécialisées mixtes de poursuivre et
réprimer les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le crime de génocide, et ce, en
accord avec le droit international.
En même temps, nous pensons que le texte, dans sa formulation actuelle, nécessite encore
un certain nombre de clarifications et de précisions afin de garantir que les chambres
spécialisées mixtes soient en mesure de s’acquitter de leur mandat de manière efficace et
en conformité avec le droit international et, plus largement, afin de renforcer la capacité du
système de justice congolais à lutter contre l’impunité des auteurs des crimes
internationaux. Nous décrivons ci-dessous les lignes générales qui, selon nous, devraient
guider le processus de révision de l’avant-projet de loi sur les chambres spécialisées
mixtes, ainsi que des recommandations spécifiques que nous vous invitons à prendre en
considération lors de la révision du projet actuel.
Il est essentiel pour le succès de cette initiative que le processus de préparation de l’avantprojet
de loi poursuive et améliore les efforts de transparence et d’inclusion des différents
partenaires. Les acteurs qui joueront un rôle important dans la création, le fonctionnement
3 Voir le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies, Observation Générale numéro 32, « See UN Human
Rights Committee, General Comment No. 32, “Article 14: Droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de
justice et à un procès équitable, » CCPR/C/GC/32, 23 août, 2007, para. 22.
4 Pacte International relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), A.G. res. 2200A (XXI), entré en vigueur le 23 mars
1976, http://www2.ohchr.org/french/law/ccpr.htm (consulté le 20 décembre 2010). La RDC a ratifié le PIDCP en
1976.
3
et la réussite future des chambres spécialisées mixtes, notamment le personnel judiciaire,
les organisations de la société civile, les partenaires du développement et les Nations
Unies doivent continuer à être consultés et avoir la possibilité de présenter leurs
observations. Nous recommandons donc qu’un autre séminaire puisse être organisé afin
de présenter et discuter des améliorations apportées par le comité de rédaction mis en
place lors du premier séminaire à Kinshasa.
Nos organisations souhaitent pouvoir présenter individuellement d’autres commentaires en
ce qui concerne l’avant-projet de loi à un stade ultérieur. En attendant, veuillez trouver cidessous
un certain nombre de recommandations sur lesquelles nos diverses organisations
sont d’accord.
1) Rationaliser le nombre de chambres mixtes proposées afin qu’elles répondent plus
directement et plus efficacement aux crimes les plus graves
L’avant-projet de loi actuel propose la création d’une chambre spécialisée mixte de
première instance, ainsi que d’une chambre d’appel spécialisée, ayant toutes deux
compétence pour les crimes internationaux graves, dans chacune des 11 cours d’appel du
pays.
Nous nous interrogeons sur la faisabilité et l’opportunité de cet arrangement. Tout d’abord,
des crimes internationaux graves n’ont pas été commis dans les mêmes proportions dans
chacune des provinces judiciaires de la République démocratique du Congo (RDC), comme
l’illustre le rapport Mapping de l’ONU. Ces dernières années, un nombre élevé de crimes ont
eu lieu dans les provinces du Nord et du Sud Kivu. Il est donc probable que les chambres
mixtes spécialisées connaitraient un déséquilibre important dans leurs charges de travail
respectives. De plus, établir et faire fonctionner un grand nombre de chambres mixtes est
susceptible d’être très coûteux ou risque d’être mis en place au détriment
d’investissements suffisants dans chacune d’elles. Afin d’être efficaces, ces chambres
mixtes auront besoin d’avoir des unités spécialisées d’enquête, du personnel international,
des ressources en matière de protection des victimes et des témoins ou des équipements
matériels spécifiques. Il pourrait être difficile d’attirer le financement des bailleurs de fonds
pour un si grand nombre de chambres.
Dans ce contexte, il semblerait plus efficace de concentrer le personnel, les ressources et
l’expertise nécessaires consacrés à poursuivre les crimes internationaux graves dans les
juridictions situées à proximité de l’endroit où la majeure partie des crimes ont été commis.
On pourrait, par exemple, imaginer un nombre limité de «pôles » où ces chambres mixtes
spécialisées pourraient être créées et qui se répartiraient la compétence géographique des
différentes provinces du pays.
Une possibilité, par exemple, pourrait être d’avoir une chambre spécialisée mixte établie
dans une des cours d’appel de Kinshasa, avec des sous-sections situées à Goma, Bukavu
et Kisangani. Le greffe de la chambre spécialisée mixte à Kinshasa pourrait également
4
assumer certaines responsabilités spécifiques mieux exercées depuis la capitale, comme
par exemple l’établissement de contacts réguliers avec les partenaires du développement
et l’ONU pour des questions administratives ou de coopération.
Chacun des «pôles» aurait aussi sa propre cour d’appel spécialisée, comme prévu dans
l’avant-projet de loi actuel. Une élaboration plus poussée est nécessaire dans l’avant-projet
de loi en ce qui concerne la phase d’appel. En effet, il sera très important d’intégrer des
garanties suffisantes dans les procédures d’appel afin de s’assurer que des enquêtes, des
poursuites et des procès solides ne sont pas renversés en appel en raison d’un manque
d’indépendance, d’impartialité, ou de compétence au niveau de la cour d’appel. Il peut
également être utile d’envisager la possibilité d’organiser sur une base ad hoc une chambre
spécialisée à la Cour de Cassation, comme ultime recours en cas de jurisprudence
contradictoire provenant des chambres d’appel prévues.
Comme mentionné ci-dessus, nos organisations accueillent très favorablement la
proposition de créer ces chambres mixtes spécialisées dans le système judiciaire civil. En
effet, cela est nécessaire en vertu de la constitution congolaise, et reflète l’état des normes
internationalement acceptées.5 Cette proposition est également en accord avec la
proposition de loi de mise en oeuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale
(CPI) actuellement devant le parlement et qui confère aux tribunaux civils la compétence
pour juger des crimes relevant de la CPI.
2) Renforcer la présence de personnel international – temporairement – dans le but de
renforcer l’indépendance et l’expertise des chambres mixtes spécialisées :
L’avant-projet de loi actuel prévoit que les chambres spécialisées mixtes seront composées
de 5 magistrats, à savoir un président, deux conseillers et deux juges ad litem. Il est
expressément prévu que le président et les juges ad litem peuvent être choisis parmi des
candidats internationaux.
Nous nous félicitons de la proposition d’inclure des juges internationaux.
Cela étant dit, nos organisations demandent que cette présence internationale proposée
soit considérablement renforcée, tant pour siéger dans la chambre qu’au sein d’autres
5 Constitution de la République démocratique du Congo, 18 février 2006,
http://www.justice.gov.cd/j/index.php?option= com_docman&task=doc_download&gid=35&Itemid=54 (consulté
le 20 décembre 2010), art. 156 ; Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire
en Afrique, Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, 2001,
http://www.achpr.org/francais/declarations/guidelines_trial_fr.html (consulté le 20 décembre 2010) ; Projets de
principes sur l’administration de la justice par les tribunaux militaires, Rapport présenté par le Rapporteur spécial
de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme, Emmanuel Decaux, 13 janvier
2006, Doc. ONU E/CN.4/2006/58, http://www.icj.org/IMG/G0610678.pdf (consulté le 20 décembre 2010), principe
9.
5
organes judiciaires qui joueront un rôle dans la poursuite des crimes internationaux graves,
notamment le Ministère Public et le greffe ; y compris dans les équipes d’enquêtes où une
expertise internationale peut permettre un apport significatif tant aux méthodes qu’aux
résultats.
Cela est essentiel pour un certain nombre de raisons. Tout d’abord, un écueil important
dans les poursuites judiciaires nationales actuelles de crimes internationaux graves est la
mauvaise qualité des enquêtes et l’ingérence visant à interrompre les procédures engagées
contre des accusés de haut rang au stade des enquêtes. La seule présence de juges
internationaux à la phase du procès ne remédiera pas à cette situation. En outre, une
présence internationale plus développée favoriserait le renforcement des capacités du
système judiciaire congolais dans les différents domaines inclus dans les poursuites de
crimes internationaux graves, notamment les enquêtes complexes (responsabilité de
commandement, violences sexuelles, preuves médico-légales), la protection des victimes
et des témoins, et s’assurer que les accusés bénéficient de tous leurs droits à un procès
juste et équitable. Enfin, une présence internationale renforcée permettrait également – par
le partage d’expérience – d’isoler les chambres mixtes spécialisées de toute ingérence
politique. De plus, une présence internationale à tous les niveaux pourrait aider à dissuader
d’éventuels actes d’intimidation et des menaces contre le personnel judiciaire congolais.
Afin d’améliorer l’indépendance et la crédibilité des chambres spécialisées mixtes, nous
demandons instamment que l’avant-projet de loi soit révisé afin de prévoir que la chambre
soit composée d’une majorité de juges internationaux, au moins pour une période initiale.
Cette répartition pourrait être modifiée après quelques années de fonctionnement, quand le
climat sera plus favorable aux poursuites de crimes graves internationaux. Nous
recommandons aussi qu’un Procureur-adjoint international soit nommé pour travailler avec
le Procureur-adjoint congolais attribué à chaque chambre spécialisée mixte (ou
alternativement, que le Procureur-adjoint soit un international les premières années, pour
être ensuite remplacé par un congolais). Enfin, la possibilité d’embaucher des experts
internationaux pour aider aux enquêtes et à la gestion des affaires impliquant des crimes
internationaux graves doit être expressément prévue dans l’avant-projet de loi. Par
exemple, des experts internationaux ayant une expérience avérée dans le domaine des
enquêtes sur les violences sexuelles, la prise en charge psychologique, la protection des
victimes et des témoins, et la sensibilisation et la communication, apporteraient une
contribution importante au travail des chambres spécialisées mixtes et à la justice
congolaise dans son ensemble. Cette possibilité est expressément prévue dans la note
explicative sur l’avant-projet de loi préparée par les professeurs Akele et Liwerant6 et devrait
être explicitement mentionnée dans la loi créant les chambres spécialisées mixtes.
Les membres du personnel congolais seront évidemment des acteurs essentiels dans le
fonctionnement des chambres. Ils apporteront la connaissance des racines historiques des
6 « Les chambres spécialisées : contexte de leur création et économie générale de l’avant-projet »,
Professeurs Pierre Akele Adau et Sara Liwerant, conseillers juridiques auprès du ministre de la Justice, Septembre-
Novembre 2010, p. 7.
6
conflits et des incidents, ils seront familiarisés avec le contexte culturel et possèderont
l’expertise du droit pénal congolais et de ses procédures. Il serait également utile de
considérer spécifiquement la possibilité de recruter des personnels congolais ayant une
expérience dans des cours et tribunaux régionaux ou internationaux. Une collaboration
efficace entre le personnel national et international sera donc indispensable pour que les
chambres spécialisées mixtes puissent fonctionner de façon efficiente.
Il est convenu que l’inclusion du personnel international ne doit être que temporaire.
Actuellement, l’avant-projet de loi met en avant un mandat de deux ans pour les juges ad
litem. C’est trop court. L’expérience menée ailleurs avec d’autres chambres spécialisées
mixtes a montré qu’il peut être préférable de ne pas fixer arbitrairement une date à laquelle
toute présence internationale prendra fin. Il serait cependant utile pour l’avant-projet de loi
de prévoir la préparation par le ministère de la Justice, en consultation avec les partenaires
internationaux et la société civile, d’une stratégie visant à supprimer progressivement la
présence internationale dans les chambres mixtes spécialisées. Cette stratégie pourrait être
régulièrement examinée et révisée, en fonction des progrès réalisés.
3) Harmoniser l’avant-projet de loi sur les chambres spécialisées mixtes et la loi de
mise en oeoeoeoeuvre de la Cour pénale internationale
Comme vous le savez, une proposition de loi de mise en oeuvre du Statut de Rome de la
Cour Pénale Internationale (CPI) est actuellement examinée par la Commission politique
administrative et juridique de l’Assemblée nationale avant d’être proposée au parlement.
Le texte contient de nombreuses dispositions importantes, notamment la définition des
crimes relevant de la CPI, des dispositions sur la coopération judiciaire avec la CPI, sur les
atteintes à la bonne administration de la justice, sur la protection des victimes et des
témoins et sur la participation effective des victimes aux procédures – toutes choses qui
sont absentes de l’avant-projet de loi sur les chambres spécialisées mixtes.
La relation entre les deux avant-projets de lois devrait être approfondie au risque de voir
certaines dispositions de ces lois rendre le droit congolais incohérent ou contradictoire.
Nos organisations croient fermement que les deux avant-projets de lois sont également
importants et doivent donc faire l’objet d’une harmonisation et, si cela est souhaitable,
être présentés et défendus ensemble au parlement. Nous ne suggérons pas que l’actuelle
proposition de loi relative à la mise en oeuvre des dispositions du Statut de Rome en droit
interne est exempte d’améliorations à apporter, et certaines de nos organisations ont même
proposé ou proposeront des amendements que nous souhaiterions voir être pris en
considération par la Commission parlementaire et les autres membres du parlement. Une
harmonisation des deux textes serait logique, efficace et ferait preuve d’un engagement fort
de la part de la République démocratique du Congo dans la lutte contre l’impunité pour les
crimes internationaux graves, au niveau international et national. Les dispositions créant
les chambres spécialisées pourraient être présentées comme des amendements déposés
par le gouvernement devant la Commission politique administrative et juridique de
7
l’Assemblée nationale et incluses dans un chapitre distinct dans la loi de mise en oeuvre de
la CPI. Il sera évidemment important de conserver clairement la description de la
compétence matérielle pour les chambres spécialisées mixtes entre 1993 et la date
d’adoption de la loi de mise en oeuvre du Statut de Rome. Alternativement, le gouvernement
pourrait envisager de déposer un amendement prévoyant l’application de la loi de mise à
oeuvre à partir de 1993 afin de permettre aux chambres spécialisées mixtes d’appliquer les
définitions du Statut de Rome, qui sont en ligne avec le droit coutumier international, aux
crimes ayant eu lieu entre 1993 et l’adoption de la législation de mise en oeuvre de la CPI.
Cela a été fait dans d’autres pays.7
Les deux textes sont substantivement imbriqués. Ce serait un signal très malheureux si
l’avant-projet de loi sur les chambres spécialisées mixtes avait l’effet de ralentir l’adoption
de la loi de mise oeuvre de la CPI. Nous connaissons votre engagement personnel, Votre
Excellence, envers la CPI et la lutte contre l’impunité pour les crimes de guerre, les crimes
contre l’humanité et de génocide. Nous faisons appel à vous pour utiliser la dynamique
actuelle afin de faire avancer à la fois l’adoption d’une bonne loi de mise en oeuvre de la CPI
et la création de chambres spécialisées mixtes.
4) Plan d’action pour lutter contre l’impunité et pour une interaction productive entre
les chambres spécialisées mixtes proposées et les tribunaux ordinaires locaux
Compte tenu du grand nombre de crimes internationaux graves commis en RDC au cours
des deux dernières décennies, les chambres mixtes spécialisées, à elles seules, ne
pourront constituer l’unique solution au problème de l’impunité. Nous sommes convaincus
qu’elles peuvent cependant agir comme moteur permettant de renforcer la capacité du
système judiciaire à enquêter sur des affaires complexes et des individus jusqu’à présent
intouchables. Mais la poursuite de la réforme du système judiciaire national en RDC
demeure essentielle et nécessaire pour permettre aux tribunaux ordinaires de remplir leur
rôle en matière d’enquêtes et de poursuites pour violations des droits humains
internationaux et du droit humanitaire sur le long terme.
En tant que tel, il est important que l’avant-projet de loi prévoie pour les chambres
spécialisées mixtes une compétence principale, mais non exclusive, pour les crimes
concernés. Après leur création, les chambres spécialisées mixtes devraient élaborer une
stratégie de poursuites décrivant le type d’affaires qu’elles traiteront en priorité et celles qui
devront relever de la politique pénale des tribunaux ordinaires locaux. Cette stratégie
pourrait comporter des mesures visant à encourager une interaction productive entre les
chambres spécialisées et les tribunaux ordinaires afin de démultiplier le renforcement des
capacités et le partage d’expertise entre les acteurs du système judiciaire congolais.
7 Voir par exemple, Royaume-Uni, “Coroners and Justice Act 2009,” paragraphe 70,
http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2009/25/section/70 (consulté le 20 décembre 2010).
8
Afin d’assurer un suivi significatif et un impact durable du rapport Mapping de l’ONU, le
ministère de la Justice devrait également préparer un plan d’action pour lutter contre
l’impunité pour les crimes internationaux graves, qui détaille les objectifs fixés aux
chambres mixtes spécialisées, aux tribunaux ordinaires et autres mécanismes nonjudiciaires
proposés de lutte contre l’impunité, dans le contexte plus large des réformes de
l’État de droit en RDC, qui contribue à renforcer la capacité du système judiciaire national à
faire face à ces crimes.
5) Veiller à ce que le projet de loi soit examiné et adopté par le Parlement dans un délai
raisonnable :
Nous exhortons le gouvernement congolais à prendre les mesures appropriées pour veiller
à ce que l’avant-projet de loi sur les chambres spécialisées mixtes, après un processus de
rédaction minutieux et une fois approuvé par le Conseil des ministres, soit mis rapidement
à l’ordre du jour du parlement, et fasse l’objet d’ une sensibilisation appropriée des
parlementaires. Comme mentionné ci-dessus, nos organisations considèrent que ce
résultat serait certainement en mesure d’être atteint par un travail intensif de
sensibilisation des parlementaires et, si cela est souhaitable, en proposant les dispositions
créant les chambres spécialisées mixtes en tant qu’amendements à la loi de mise en oeuvre
de la CPI, actuellement à l’examen devant la Commission Politique, Administrative and
Légale de l’Assemblée Nationale.
6) Faciliter la participation et le soutien de la communauté internationale :
Nos organisations notent avec intérêt l’article 37 de l’avant-projet de loi, qui prévoit la mise
en place d’un cadre de coopération approprié avec les partenaires régionaux et
internationaux, notamment les Nations Unies, pour assurer le fonctionnement efficace des
chambres spécialisées mixtes. L’implication, la coopération et l’appui de ces acteurs,
notamment le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l’homme, seront essentiels pour
assurer le fonctionnement efficace et la légitimité des chambres spécialisées mixtes. Nos
organisations suggèrent que des protocoles d’entente et des accords spécifiques soient
conclus pour codifier cette coopération, le cas échéant. Comme mentionné ci-dessus, il est
également essentiel à notre avis que ces acteurs, en particulier quand ils ont une expertise
pertinente dans la création de chambres spécialisées mixtes similaires ailleurs, soient
convenablement consultés lors du processus de rédaction de la loi créant les chambres
congolaises.
L’élaboration d’un projet de loi créant les chambres spécialisées mixtes est un
développement important qui est riche de promesses pour que justice soit enfin rendue aux
victimes d’atrocités indicibles. Il s’agit d’une occasion sans précédent de tourner la page
sur l’impunité passée. Pour cette raison, elle s’accompagne de la responsabilité de
présenter un texte au parlement qui ouvre la voie pour des chambres spécialisées mixtes
9
efficaces, crédibles et indépendantes, qui respectent les standards d’un procès juste et
équitable.
Si l’urgence de créer des mécanismes efficients afin de lutter contre les crimes les plus
graves est bien connue de tous, le processus de rédaction de l’avant-projet ne doit pas pour
autant être précipité et doit permettre la participation de toutes les parties prenantes, afin
de répondre au mieux aux attentes de justice de la population. Comme mentionné cidessus,
nos organisations se féliciteraient vivement de l’organisation d’un second
séminaire à Kinshasa pour examiner le projet de loi révisé.
Les travaux concernant les chambres spécialisées mixtes devraient également faire partie
d’une discussion plus large sur le suivi du rapport de Mapping de l’ONU. Nos organisations
ont pris note avec intérêt de la proposition du gouvernement congolais d’organiser une
conférence internationale sur le suivi du rapport de Mapping à Kinshasa. Nous nous
félicitons vivement de cette proposition et nous encourageons Votre Excellence à bien
vouloir consulter les partenaires concernés en vue d’organiser cette conférence au cours de
la première moitié de l’année 2011.
En conclusion, nos organisations tiennent à assurer Votre Excellence de notre entière
disponibilité à poursuivre le travail avec votre cabinet afin de faire avancer cette importante
initiative. Nous sommes également déterminés à insister auprès de la communauté
internationale pour qu’elle soutienne la création de chambres spécialisées mixtes
compétentes, indépendantes et impartiales, ainsi que la mise en oeuvre d’un plan d’action
pour lutter contre l’impunité en RDC de manière plus générale.
Veuillez agréer, Votre Excellence, l’expression de notre haute considération.
ACAT Nord Kivu
Action contre l’impunité pour les droits de l’homme, ACIDH
Action des Chrétiens Activistes des Droits de l’Homme à Shabunda (ACADHOSHA)
Action Sociale pour la Paix et le Développement (ASPD)
Africa justice peace and development (AJPD)
Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme
Amis de Nelson Mandela pour les droits de l’homme, ANMDH
Ange du ciel
10
APEO
Appui aux Femmes Démunies et Enfants Marginalisés (AFEDEM)
Association africaine de défense des droits de l’homme, ASADHO
Avocats sans frontières de la RDC
Blessed Aid
Campagne Pour la Paix
Carrefour des femmes et familles
Centre d’Appui pour le Développement Rural Communautaire (CADERCO)
Centre de Paix pour la Guérison et la Reconstruction des Bases Communautaires (CPGRBC)
Club des Amis du Droit du Congo
Coalition Congolaise pour la Justice Transitionnelle
Fédération Internationale des Droits de l’Homme
Femmes de medias pour la justice
Héritiers de la Justice
Human Rights Watch
Initiative Congolaise pour la Justice et la Paix
Le Centre de Recherche sur l’Environnement, la Démocratie et les Droits de l’Homme
(CREDDH0)
Ligue des électeurs
LIPADHO
Observatoire Congolais pour les droits de l’homme
ODDE – RDC Coordination Afrique
11
PAIF
OEuvres sociales pour le développement
Réseau des associations des droits de l’Homme du Sud Kivu (Radhoski)
Solidarité des Volontaires pour l’humanité (SVH)
Solidarité pour la Défense des Droits Humains (SDH)
Synergie congolaise pour le développement
Synergie des ONG congolaises pour les Victimes
Toges noires